2009-09-11

Salle de ventes : Emotions garanties . . . avec prudence d’initiés.


Je n’avais plus fréquenté ce type d’endroit depuis un bon moment. Non pas que les antiquités et autres objets de curiosité m’attirent moins ; le marché du Sablon le sait bien mais les frissons que peut générer une vente aux enchères sont très particuliers, voir enivrants.

En effet, comme la griserie éprouvée aux différentes étapes d’une acquisition s’apparente à celle rencontrée par un flambeur au casino ; certaines précautions s’imposent.

Aujourd’hui les salles qui veulent jouer dans la cour des grands ont « pignon sur le net »; c’est à dire, qu’elles ont un site où l’on peut découvrir, bien à l’avance, la marchandise qui y sera mise en vente.

Par simple curiosité ou par jeu, il m’arrive d’y surfer.Cela a souvent été sans conséquence mais dernièrement . . . je m’y suis fait prendre.



En effet, la photo d’une peinture, différente de celles de mes goûts habituels, m’a séduit . . . jusqu’à l’obsession.Sa composition en était savamment asymétrique, la couleur osée mais équilibrée et le style recherché. Fort curieusement, l’estimation en était raisonnable malgré un très bon auteur.Celui-ci a obtenu, entre autre, trois fois, le prix Godecharle ; prix qui en Belgique, a toujours révélé ou consacré de très bons peintres.Ayant déjà acheté dans cette salle, une autre peinture qui correspondait peu à la trop sobre description du catalogue, j’avais plus que jamais besoin de la « toucher des yeux » pour m’en faire une bonne idée .

Nous étions les premiers, ce samedi de visite et j’avais difficile à contenir mon enthousiasme.

Ayant reconnu le commissaire priseur qui se trouvait à l’entrée, je le saluai d’abord d’un hochement de tête mais comme il ne réagissait pas, j’appuyai un « bonjour » qui resta sans réponse. Je ne faisais probablement pas partie des privilégiés qui ont droit à l’expression de ses civilités.

En Angleterre, il est de bon ton de maintenir une certaine distance avec le « client », par distinction, réserve ou retenue. Je ne pense pas que c’était le cas ici car la description de l’établissement, sur son site web, est si pompeuse qu’elle en devient naïve.
Côté « marchandise » en revanche, il faut reconnaître que le choix y est toujours très riche et reste accessible.

C’est donc sous le couvert de l’anonymat que je pus rechercher l’objet de mes tourments.

Elle m’attendait là, cette « Jeune femme à la lecture» de Marcel COCKX (1930) imperturbable dans une deuxième salle où l’on ne place jamais les œuvres les plus prometteuses.(ce qui me rassura)



En effet, c’est de discrétion que l’on a besoin quand on convoite quelque chose.Le danger d’éveiller la curiosité d’un éventuel concurrent est toujours à éviter.Arrivé à sa hauteur, j’y ai jeté un rapide coup d’œil pour m’assurer qu’il n’y avait pas de mauvaises surprises et ai passé ensuite, le reste du temps, à « noyer le poisson » en feignant m’intéresser à n’importe quoi. Je ressentais déjà l’euphorie du joueur.Au moment de sortir, dans la pénombre, « Nature morte aux fruits » a attiré mon regard. Je dus m’accroupir pour mieux la découvrir. Bien que légèrement abîmée par le temps,(rien d’irrémédiable pour un ex-élève des beaux-arts) sa facture en était excellente.

De plus le catalogue me révéla que l’auteur ne m’était pas inconu.

Il s’agissait de Georges Van Zevenberghen (1877-1968) le défunt époux d’une de mes anciennes professeurs de peinture qui avait été, bien avant elle, « le maître » du même atelier à l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles, fort estimé de ses contemporains ;membre de l’Académie royale de Belgique en 1953. Là également, compte tenu de l’état de la toile et des mauvais résultats obtenus par des ventes précédentes (à l’authenticité douteuse), l’estimation était très modérée.



C’était dès lors, deux oeuvres qui allaient faire battre mon cœur jusqu’au moment de la vente. Remarque : Bien avant d’envisager de prendre part à des enchères, règle numéro un :Il faut se fixer une limite. Peser le pour et le contre et se demander si on y tient vraiment.L’adjudication peut-être si rapide qu’il serait dommage de dépenser trop ou de rater la vente par excès de timidité et le regretter par la suite.

Vint le jour J, puis l’heure H.
La configuration de la salle avait bien évolué et s’était professionnalisée.
Plusieurs écrans et de nombreux téléphones permettaient à chacun de suivre les enchères même du fond de celle-ci ou de chez soi, dans un bon canapé. La fréquentation était partagée entre curieux, amateurs (éclairés ou non) et professionnels blasés. Le commissaire priseur, dans ses œuvres, me sembla irréprochable.


Afin de contenir ma nervosité et de ne pas trahir mon intérêt, j’avais un livre de mots croisés.
Il me fut bien utile pour patienter entre les deux lots dont la criée était séparée de plus d’une heure mais aussi pour me faire remarquer, le moment venu, en le brandissant pour surenchérir.

Les deux toiles avaient de commun le fait de ne pas beaucoup susciter l’attention du public présent mais ,hélas pour moi, celle des téléphones.
Après une lutte soutenue, j’obtins néanmoins à chaque fois le lot, pas « pour rien » (selon l’ expression du milieu) mais au-dessous de la limite que je m’étais fixée.

Conclusion : En début d’année, ma banque m’avait annoncé, qu’en raison de la conjoncture actuelle très défavorable, mes maigres économies n’auraient droit qu’à 1 % d’intérêt.


Désormais, même si ma motivation première n’a jamais été de cet ordre, c’est tous les jours que je prélèverai le dividende de mes « investissements » grâce au plaisir que j’aurai de les voir et de les redécouvrir.L’animal se nourrit, l’homme mange, l’homme d’esprit aime manger. (Brillat-Savarin)

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